L ‘aventure amoureuse et
tragique de François Barbazanges
Marcelle Tinayre
Réédition dans la collection
« Roman retrouvé » (1è éd. Calmann Lévy
1903)
288 p.
Format 150 x 210
ISBN : 978-2-916512-34-1
PVP : 21 €
Extraits
de :
L ‘aventure amoureuse et tragique de François Barbazanges de Marcelle Tinayre I. Le 17 juillet 1673, madame Catherine
La Poumélye, femme de M. Jacques Barbazanges, conseiller au présidial
de Tulle, accoucha d’un garçon beau comme le jour. La matrone sage-femme,
l’ayant lavé dans une eau tiède, le présenta tout
nu sur ses langes à monsieur son père, qui s’émerveilla
de le voir si bien fait.
VII. — Margot, interrompit mademoiselle
Contrastin, me voici dans un embarras bien cruel. Il y va de la gloire
de notre atelier, et vous seule la pouvez sauver, ma ?lle… Entendez-moi
bien. Madame Melon du Verdier m’a fait prier tout à l’heure de me
rendre en son logis. J’en reviens, de ce pas. Et savez-vous ce qu’elle
veut de nous, madame du Verdier ?… Elle veut trois fonds de cornette pour
monsieur Étienne Baluze…
VIII. Un soleil blanc frappe les murs peints à la chaux, les façades ocreuses ou grises, les toits superposés, bruns ou bleus, où rougissent ça et là des tuiles neuves, les grandes lucarnes béantes, qui découpent leur auvent circonflexe sur un ciel déjà méridional… Quelques maisons, très anciennes, montrent les poutres croisées de leur charpente, dans la maçonnerie des étages supérieurs ; d’autres, vers la Solane, se bombent, toutes ventrues avançant des galeries murées et percées de meurtrières pour la défense… Les grosses portes de chêne, à moulures, ornées de têtes de clous et d’un marteau, s’ouvrent sous des porches en granit couronnés par un écusson. Les fines colonnettes de la Renaissance supportent des chapiteaux de grès, aux angles amortis, aux sculptures informes. Les ruisseaux empestés suintent de marche en marche, s’étalent sur les paliers, parmi les cailloux de Corrèze… Une population bruyante, guenilleuse et vermineuse, vit dehors, sans pudeur… Les ?lles des bouges et les ménagères, les enfants et les bêtes, grouillent ensemble, cherchent ensemble la chaleur du rayon de midi ou la raie d’ombre que tracent, en été, les balcons festonnés de vignes…
X. Cependant, derrière la porte grise, le murmure des conversations s’apaisait. Un homme parlait maintenant, seul, à voix ronflante et gémissante, qui parfois s’élançait en soupirs. Ce personnage tenait des discours singuliers, mêlés de prose et de vers, qu’il semblait lire en un livre et non point de son chef. Les noms de « Délie° » et d’« Alcimède° » revenaient sans cesse en ces discours, où il était beaucoup parlé de Vénus et de Diane, du ?ambeau de l’amour, des lys et des roses, de la lune et du soleil, de « chastes feux » allumés par des « yeux inhumains »…
La Chabrette tomba dans une rêverie
profonde on écoutant ces propos.
La Chabrette ne bougeait plus. Collée à la muraille, les yeux fermés, le sang au cœur, plus pâle que sa chemisette, elle buvait de ses lèvres ouvertes, ce philtre de l’harmonie qui semblait descendre en elle avec l’air qu’elle respirait. La maison étrangère, le couloir sombre, un rayon qui traversait la serrure, elle ne voyait plus rien… Rien n’existait plus qu’un nuage indistinct autour d’elle, et la voix, la voix triste et suave portée sur les frissons du luth…
… Deux rideaux de ras pourpre, bordés d’un galon éteint, tombaient droit sur la fenêtre et masquaient l’ardente lueur du ciel occidental, sauf un grand rayon aigu qui traversait la chambre obscure, comme une flèche échappée à l’arc d’Amour, et dardait son extrême pointe sur le corsage de Margot. Ce beau rayon, tout vibrant d’atomes dorés, vivant d’une vie magique, rencontrait au passage la tête appesantie de François Barbazanges. Le jeune homme dormait, le front sur son bras, et le bras sur son luth.
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Voire dans la même collection, chez Maiade éditions
:
- L’ombre de l’amour, de Marcelle
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- Louise Michel en nouvelle Calédonie,
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- Gerbe baude, de Georges Magnane
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Gorges Magnane